Text & Press

 2015


2014

Un entretien avec Carole Coen pour le magazine Our age is thri13en
http://www.ourageis13.com/feature/les-contemplations-au-polaroid-de-karine-maussiere/

 Un entretien avec Sébastien Appioti du magazine Photo-phores
 http://photo-phores.com/2014/01/20/entretien-avec-karine-maussiere/



« Ce chemin de pierre dans une clairière, invite à l’errance, à suivre les pas d’Alice. A la recherche de l’enfance, l’artiste, creuse au fond de nous comme elle creuse la terre et désenfouit des pierres. Elle les dispose sans sens apparent, s’amusant comme Lewis Caroll à brouiller les pistes, à désorienter le promeneur. Ce dernier aborde, alors, l’installation avec son innocence, débarrassé de ces a-priori. Monument est un jardin zen ; il incite à la contemplation et à la méditation. Monument est aussi un clin d’œil à l’histoire métallurgique de la région, un hommage aux hommes qui ont travaillé le minerais, une mémoire géologique. Monument est contradictoire : urbain et pastoral. Monument est multiple. »

Anne Bernado, Livret d'exposition,
CAEN 2005


« Eloge de la lenteur », est une exposition en deux temps. Pour m.kalerie, Karine Maussière propose « Mythe », Sculptures dorée à la feuille dorée. Installation du 20 janvier au 29 février 2004. Exposition mise en écho à SERUSE 25 rue d’Isoard 13001.

Quels points communs peut-il exister entre des clichés de voitures ayant échoué à la casse, leur matérialisation brute dans chacune des 2 vitrines de la M.Kalerie, un kerne composé de 9 postes de télévision et autant de films retraçant les errances vidéos de Karine Maussière? Quels rapports entre le crash automobile et la ballade pédestre, entre la violence affichée de ces rebus de notre société de consommation et le recueillement du marcheur solitaire ? Quels liens réels qui ne soient autre chose qu’une flagrante antinomie, un contraste se voulant signifiant ? Aucun a priori. Et pourtant ! Ce hiatus s’affirme, se revendique et renvoie cette œuvre polymorphe aux confins du romantisme.
Cette notion correspond tout à la fois à une aspiration à l’absent et à l’infini, comme à l’exaltation du sentiment religieux, par une recherche de Dieu ou du panthéisme d’une nature mystique. Cette aspiration peut aussi être sociale, vénérant le passé ou espérant le futur, voire, simplement, elle peut s’exercer à vide. On parlera alors du mal du siècle, de mélancolie. Elle renvoie, enfin, à l’individu, à sa solitude, à l’intensité affective qui régit sa façon d’être, sa dualité. On retrouve cette dernière aussi bien dans l’ipséité de l’être que dans l’œuvre dite romantique. Certes, il ne s’agit pas, concernant le travail de Karine Maussière, d’embrasser l’ensemble de ces caractères constitutifs, ni même de se réclamer du romantisme d’un Baudelaire, d’un Ruskin ou d’un Delacroix et, en aucun cas, elle ne se présente comme en étant un vulgaire succédané. C’est, selon les termes de l’artiste, un travail qui « oscille entre abstraction minimale et romantisme hardcore ». En effet, à y regarder de plus prés, tout chez elle ramène à cette notion complexe, revisitée par l’âpreté du punk. La dualité intrinsèque de son œuvre apparaît comme étant la plus évidente. Ce qui frappe, ensuite, c’est cette tendance à faire glisser le fait divers, l’accidentel, vers le religieux. L’or recouvrant les tôles froissées renvoie inévitablement à la glorification, à la vénération des Bouddha asiatiques inlassablement recouverts de feuilles d’or par les pèlerins, au Veau d’or aussi, à l’hyperdulie de Notre - Dame de la Garde enfin.

En outre, si le kerne présenté à Séruse est une référence évidente au monde de la montagne et si par son orientation il fait effectivement office de borne permettant de situer les points cardinaux, il évoque également le cairn mégalithique et, par là même, la mort, la religion encore. Mais plus que de religiosité, il est question ici de mysticisme, un mysticisme issu à la fois de la philosophie zen et de la vision ressentie de la nature romantique et la voiture est celle du « système sémiologique second » de Barthes dans ses Mythologies : un objet « parfaitement magique ». Magique est la vitesse. Magique est ce phallus design. L’artiste lui rétorque par l’éloge de la lenteur...
Ville et nature se côtoient, mythe et réalité se répondent. On croit entendre les bruits du crash, on ne perçoit que ceux des animaux, du vent et de l’orage déversé par le tumulus médiatique. La nature est rêvée, non édénique. Les chemins arpentés se révèlent en boucle, sans fin, désespérés et obsédants. Le rêve tourne au cauchemar et ces cheminements vécus, volontairement ralentis, verdissent, s’oxydent, perdent de leur superbe et géométrique naturel. Quand, comme dans ces vidéos, l’artiste nous montre cet ailleurs géographique, l’enfermement qu’il induit le ramène à l’individu, à sa folie latente, à la mélancolie comme à la plénitude. On ne peut alors que penser à cette définition inspirée par Baudelaire à propos de la flânerie qui engendre « un art allégorique » révélant « la physionomie du présent en tant que ruine et juxtapose aux ruines de la bourgeoisie des éléments de rêve, de mémoire et d’imagination stimulés par le choc, mais révélant ou anticipant une nouvelle sorte d’expérience. » . Ces expériences suscitent les rêves, les rêves, à leur tour, les expériences. C’est de l’ordre du ressentir, non du raisonnement.

Myriam Hombert, Texte de présentation
2002

1Roland Barthes, Mythologies, Editions du Seuil, Paris, 1957.
2« Letter to a Canadian Curator » reproduite dans Art-Language, vol. 5, n°1, Banbury, octobre 1982, pp 32-35.
Extrait traduit par Christian Bounay, in Art en théorie 1900-1990, une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, p1158.

«Invitée à un Project-Room chez Pailhas, la plasticienne-photographe Karine Maussière a plus d’un tour dans son sac. C’est à la Belle de Mai qu’elle a installé son atelier de vie et de travail, de plain-pied avec la rue, tout prés d’un arrêt de bus. Aussi pourquoi rester en retrait au mouvement de la rue, pourquoi ne pas s’ouvrir aux regards des passants? Avec la complicité de Julia Pastor Lloret et Rémy Rivoire, rencontrés sur les bancs des Beaux-Arts de Marseille, elle a transformé sa vitrine en espace d’exposition temporaire, sculptures en bois pour l’une et mutltiplications de pochoirs pour l’autre. Karine Maussière profite de l’occasion pour ouvrir sa porte le temps d’une conversation, histoire de participer un peu à la vie locale en «tissant des liens entre les artistes et les gens». Pour désacraliser un peu plus l’acte de création, elle inaugure des petites formes artistiques, sortes de mini-vernissages ponctués de lectures et de performances autour de l’art culinaire et de la musique de chambre avec, à la baguette Jean-Frédéric Laumond (cuisine), Julien Bucci (lecture) et Jean-Paul Péroz (environnement sonore). Des soirées prétextes à la réalisation d’un livre de cuisine original, édité sur CD à partir de l’enregistrement de la soirée. A chaque solstice donc, sa petite forme et son menu plaisir.»

Marie Godfrin-Guidicelli
Marseille l’Hebdo du 11 Juillet 2002